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Jean-René Binet : « Sur la GPA, le juge français s’arroge le pouvoir de faire la loi à la place du législateur »


FIGAROVOX/ENTRETIEN – La GPA n’est toujours pas légale dans notre pays, mais pour le spécialiste du droit de la bioéthique, Jean-René Binet, en reconnaissant la notion de «parent d’intention» pour des couples d’hommes, la Cour de Cassation ouvre la voie vers une nouvelle jurisprudence de la filiation.

Jean-René Binet est professeur à la faculté de droit de Rennes, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, et auteur du manuel Droit de la bioéthique (LGDJ, coll. «Manuels», décembre 2017).

FIGAROVOX.- Dans deux arrêts du 18 décembre, La Cour de cassation étend aux couples d’hommes sa jurisprudence d’octobre s’agissant de la «mère d’intention». En quoi cette décision constitue-t-elle une rupture? La mère biologique est-elle totalement effacée par cette décision?

Jean-René BINET.- Si les arrêts du 18 décembre 2019 constituent une rupture, ce n’est pas tant au regard de la composition du couple concerné que de la solution retenue, c’est-à-dire la transcription intégrale de l’acte de naissance. Le 4 octobre 2019, l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait certes permis cette transcription, mais en y voyant une exception destinée à un cas tout à fait exceptionnel. Il faut reprendre le fil de cette affaire pour en saisir le sens et comprendre pourquoi les décisions du 18 décembre sont préoccupantes. Pour se limiter aux étapes les plus récentes de cette affaire, la Cour européenne des droits de l’homme avait, dans un avis consultatif du 10 avril 2019, interdit l’impossibilité générale de reconnaissance en droit interne le lien de filiation à l’égard de celle que l’acte de naissance désigne comme la «mère légale» tout en reconnaissant une relative liberté à la France quant aux modalités de cette reconnaissance. Elle déclarait très précisément que la transcription de l’acte n’était pas nécessaire si le lien pouvait être reconnu par une autre voie telle que l’adoption. Dans son arrêt du 4 octobre 2019, la Cour de cassation avait donc écarté par principe la solution de la transcription pour affirmer que la solution la plus conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme était l’adoption. Cependant, de manière hasardeuse, elle décidait qu’au cas d’espèce, pour mettre un terme rapide à un contentieux qui durait depuis plus de quinze ans, il convenait de permettre la transcription. Tout dans la décision indiquait combien cette solution devait être circonscrite à l’affaire soumise. Toutefois, ainsi qu’on le voit avec les arrêts du 18 décembre rendus par sa première chambre civile, une fois que la digue est rompue, il est bien difficile d’éviter la submersion.

 

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